Récemment, la nouvelle fit le tour des rédactions : « Le 30 mars 2007, Dassault Systèmes, l’un des premiers éditeurs mondiaux de solutions 3D, et l’architecte Jean-Pierre Houdin, dévoilent la première théorie consacrée à la construction de la pyramide de Kheops validée scientifiquement, lors d’une conférence organisée aujourd’hui à la Géode de la Cité des Sciences, Paris ».
On y lit clairement que la simulation 3D a validé scientifiquement cette nouvelle théorie de construction des pyramides. Ce système introduit l’emploi de rampes internes, au lieu des rampes externes recommandées jusqu’alors par les égyptologues. Chacun sait que l’ordinateur travaille en fonction des données que les informaticiens ont écrites sur son disque dur. Si ces données s’avèrent être fausses, alors le programme informatique développera et confirmera une fausse théorie. À en croire Dassault Systèmes, c’est la première fois que la simulation 3D est employée dans la démonstration d’une théorie de construction des pyramides. C’est tout le contraire. Ainsi, le Palais de la Découverte, Paris, organisa une exposition portant sur les Hypothèses de construction des pyramides (19 décembre 2006 au 13 mars 2007, voir la revue Découverte Revue du Palais de la Découverte de décembre 2006). Trois hypothèses y étaient présentées, deux portant sur les pierres taillées transportées sur un système de rampes, et la mienne (l’agglomération des pierres sur place, par la chimie). Ces deux autres hypothèses se basaient sur « une démonstration par simulation 3D ». Bien que travailant avec des programmes moins sophistiqués que ceux de Dassault, ils employaient les mêmes principes de base. La première, celle de J.P. Petit, ancien Directeur de Recherches au CNRS, préconisait une rampe extérieure. La seconde, celle de P. Crozat, architecte docteur-ingénieur, favorisait un système d’accrétion, de rampes extérieures et de machines.
Nous sommes en présence de 3 théories fondamentalement différentes, et pourtant, la simulation 3D les valide «scientifiquement» toutes les trois. Elles seraient donc exactes et offriraient chacune la véritable méthode employée par les Égyptiens de l’Ancien Empire. En réalité, cela voudrait dire qu’aucune ne l’est, car la science ne peut pas valider des théories foncièrement différentes et opposées dans leur concept.
Les lecteurs de mes livres sur les pyramides savent très bien que je ne suis pas tombé dans le piège de la facilité, celui de la démonstration par l’informatique. Au contraire ! Ainsi, dans le chapitre intitulé : La preuve par l’expérience, (cf. Joseph Davidovits, Le béton des pyramides égyptiennes, Découverte, n° 343, Décembre 2006, pages 47-60), j’écrivais :
Toute démarche scientifique repose sur l’énoncé d’une théorie qui doit se vérifier par la pratique. Le mieux est de passer par l’expérimentation grandeur réelle et refuser de se contenter d’étudier des modèles réduits ou des animations par ordinateur comme le font les théoriciens de la taille et du transport sur les rampes et les traîneaux. Notre objectif était de construire, non pas une pyramide, mais des blocs de plusieurs tonnes. Durant l’été 2002, l’équipe de l’Institut Géopolymère à Saint-Quentin (Aisne), expérimenta la fabrication de quatre blocs de tailles différentes et de constitution inégale. Cela permit de suivre l’influence des principaux paramètres. Ils totalisaient 12 tonnes et ressemblaient à ceux des pyramides de Guizeh (voir la vidéo a www.geopolymer.org/fr/).
Les ingénieurs de Dassault Systèmes mettront-ils eux-mêmes leur théorie en pratique ? Ils découvriront alors qu’il y a loin entre les paillettes et la réalité du terrain.